Biographie

Né en 1996, Ballo Oboubé Yannick Brice Emérick alias Emérick Boby est un plasticien contemporain béninois. Il vit, et travaille à Ouidah. Nourrit par le dessein de saisie des moments de vie, de sollicitude, d’ironie, et quelquefois de satire, Emérick Boby aime à dire de son œuvre qu’elle emprunte souvent à l’humain, à la société, à l’histoire, comme des socles à subjectivations, à sujets.

C’est d’abord comme un dessinateur portraitiste qu’il débute sa carrière en 2015, travaillant l’image issue du Réel à la manière d’une ode au classicisme. L’Union Culturelle et Artistique des Etudiants (UCAE) de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) lui sert alors de carcan de formation, mais aussi d’antre, où au-delà du style bile, et du crayon graphite, il allait
expérimenter les différentes possibilités offertes par le dessin. Son désir de produire des images qui font sens, va inexorablement l’emmener vers la peinture, puis la sculpture, pratiques dans lesquels ses interrogations anthropologiques, et sociologiques sont venues le hanter.

« Je me nourris de mon environnement, de ma société, de ce qu’elle me sert comme spectacle, des socles psychiques qui fixent les imaginaires communs, et des choses qui disent les invisibilités. Mon processus de travail part toujours d’interrogations, de questionnements qui oscillent entre l’anthropologie et la sociologie. Il commence souvent par un bout de phrase, puis des silhouettes, puis des compositions qui viennent donner sens à ces silhouettes, et puis une histoire à raconter, une geste à montrer », affirme-t-il.

Silhouettes juvéniles, enfants accompagnés, corps féminins, masques scarifiés, récades, arrière-plans oniriques, l’univers plastique de Emérick Boby déconstruit les équilibres sociaux, et panse la problématique de l’enfance au gré d’une lecture anthropologique des gestes humains.

Qu’avons-nous laissés à la société ? Qu’avons-nous fait de l’enfance-futur ? Qu’avons-nous construit, nous qui sommes des êtres corruptibles, et correcteurs ? Le creux du travail de Emérick Boby survit à travers ces interrogations. Ayant participé à plusieurs expositions collectives aussi bien nationale qu’internationale, il a été lauréat de plusieurs prix donc celui du concours : « Réalise ton autoportrait avec les objets recyclés » organisé par l’Union Européenne dans le cadre de « La Semaine Diplomatie Climatique édition 2020 ».

Steven Coffi Adjaï

Note dintention

Déséquilibres, et enfance

Je me nourris de mon environnement, de ma société, de ce qu’elle me sert comme spectacle, des socles psychiques qui fixent les imaginaires communs, et des choses qui disent les invisibilités. Mon processus de travail part toujours d’interrogations, de questionnements qui oscillent entre l’anthropologie et la sociologie. Il commence souvent par un bout de phrase, puis des silhouettes, puis des compositions qui viennent donner sens à ces silhouettes, et puis une histoire à raconter, une geste à montrer. Mon propos principal, qui aime à visibiliser la problématique de l’enfance instable, n’est qu’un prétexte pour dépeindre une certaine lésine de l’esprit humain, celle qui nous pousse à révéler nos pulsions les plus primaires.

Quand j’évoque l’enfance, je la lie au vocable éducation, et ce dans un exercice de dualité l’arrimant à ce que nous voyons de la société, et à ce que nous faisons à la société. Car dire de l’enfance qu’elle est le reflet voire le miroir des constructions sociales, c’est faire un aveu d’impuissance, peut-être de clairvoyance, c’est montrer une odalisque de l’antichambre des choses à venir que j’essaie de voir.

Essayer de voir dans mon processus créatif consiste à interroger les images qui ne sont guère des objets, mais des gestes à l’aune de leur avènement : pourquoi cet enfant est-il dans cette ruelle, cette nuit froide où les spectres n’aiment se vêtir que de singulières toilettes ? Pourquoi cet enfant est-il le mal aimé de la famille, souvent mis de côté parce que ne répondant pas à la norme mise en place par le cadre familial ? Aussi, l’éthique, et la politique dans ce cadre social sont, me semble-t-il, les moyens par lesquels l’enfance se construit, se meuve, et mute.

Il est n’est donc pas rare de voir surgir dans mon œuvre des corps juvéniles qui se dévoilent aux yeux du spectateur dans des décors inspirés des tissus africains. Cet habitat que je crée de manière circonstancielle participe à une envie de captation des moments de vie dont l’essence réside dans une interrogation : l’humain, est-il un être foncièrement corrupteur au point de bâtir une société corruptible ? 

Emérick Boby